Abstract:
Dans le but de déterminer la fréquence des différentes espèces parasitaires et identifier pour la première fois les sous-types de Blastocystis spp. dans la région steppique algérienne, une étude descriptive et analytique des parasitoses intestinales humaines portée sur l’ensemble de 2277 patients,représentatifs des deux milieux urbain et rural sur une période de trois ans a été réaliser dans la wilaya de Laghouat. Chaque échantillon a fait l’objet d’un examen microscopique direct, d’un
enrichissement, d’une coloration et d’une culture in vitro sur deux milieux xénique. Par la suite, 30 échantillons de culture positifs de Blastocystis ont été sous-typés par la PCR. Des résultats obtenus, il ressort que 33,33% des sujets examinés sont porteurs de parasites, Blastocystis spp est le parasite le plus fréquemment retrouvé (53,22%), suivi par Entamoeba histolytica/dispar (26,35%), Giardia intestinalis (12,65%), Entamoeba coli (12,38%), Endolimax nana (5,27%), Trichomonas intestinalis(3,03%), Enterobius vermicularis (1,71%), Cryptosporidium spp (0,92%), Teania saginata (0,53%) etTrichuris trichuira (0,13%). Le sous-typage de Blastocystis spp. indiquait une forte fréquence de ST1(63,3%), suivi par ST4 (23,3%), ST2 (13,3%), ST7 (13,3%), ST3 (10%) et ST5 (6,7%). Des soustypes mixtes ont été identifiés dans 30% (9/30) d'échantillons analysés. La symptomatologie clinique a été observée chez 80,4% des sujets parasités et la charge parasitaire est significativement corrélée avec les signes cliniques. L'analyse multivariée indique des associations significatives entre le ST1,ST4 et les lieux d’habitations, entre ST1, ST2, ST4, ST7 les patients qui consomment l’eau de robinet et entre ST1, ST2, ST4 et les patients qui sont en contact avec des animaux. À notre connaissance, il s'agit du premier rapport sur le sous-typage de Blastocystis issue des souches humaines en Algérie.
Description:
Les maladies liées à la contamination de l’environnement par les microorganismes,
particulièrement les helminthes et les protozoaires intestinaux, sont nombreuses dans les pays
en voie de développement (RACURT et al. 2006). Leur forte expansion dans certaines zones
de ces pays est essentiellement due aux conditions climatiques favorables, au manque
d’hygiène et d’assainissement et au faible niveau socioéconomique (RASO et al. 2005). Selon
les estimations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour l’année 2015, on évalue à
3,5 milliards le nombre de sujets infectés par des parasites digestifs et à 450 millions le
nombre de malades (WHO, 2015).
En plus, l'amibiase intestinale due au protozoaire Entamoeba histolytica est la troisième
cause de mortalité par maladies parasitaires dans le monde après le paludisme et la
bilharziose, elle affecte approximativement 180 millions personnes, dont 40000 à 110000
décèdent chaque année (COUDERT et DREYFUSS, 2010). Egalement, la giardiase,
provoquée par Giardia intestinalis est une cause fréquente de diarrhée (FAYE et al. 1997 ;
YADOLLAHIE et al. 2002), et qui peut avoir un impact négatif sur la croissance et le
développement des enfants (SIMSEK et al. 2004). En outre Cryptosporidium spp. constitue
un des principaux agents étiologiques des maladies diarrhéiques chez les patients
immunodéprimés et les patients immunocompétents, et il a été associé à un taux de létalité
relativement élevé ainsi qu’au retard de croissance d’origine nutritionnelle (PELETZ et al.
2013). Concernant les helminthiases, l’oxyure représente la parasitose la plus fréquente avec 1 milliard de personnes infectées dans le monde (BENOUIS, 2012). A côté des protozoaires les
plus connus comme Entamoeba, Giardia, et Cryptosporidium d’autres parasites unicellulaires entériques comme les Blastocystis ont été identifié mais demeurent généralement négligés par les autorités sanitaires.
Blastocystis spp. est le parasite anaérobie le plus commun qui colonise le tractus gastrointestinal de l’homme ainsi que de nombreux animaux (NOEL et al. 2005). La prévalence de l'infection varie considérablement d'une région à l'autre mais en générale elle est plus élevée dans les pays en développement qui pouvant atteindre une prévalence de 100% (EL SAFADI et al. 2014) que dans les pays développés (20%) (TAN 2008). Cette différence de prévalence entre ces pays peut essentiellement s’expliquer par des conditions d’hygiène plus précaires puisque la voie oro-fécale est considérée comme la principale voie de transmission de ce parasite (EL SAFADI, 2014). Dans son blog dédié à Blastocystis (http://www.blastocystis.net/), Rune Stensvold du Statens Serum Institute de Copenhague au Danemark avance le nombre de 1 milliard d’individus qui pourraient être infectés par ceparasite à travers le monde. Un tel chiffre amène naturellement à la question de l’impact réel de Blastocystis spp. en santé publique (CIAN, 2016).
Morphologiquement Blastocystis spp. présent un polymorphisme important, se traduisant
par l’existence de quatre formes (vacuolaire, granulaire, amiboide et kystique) (TAN, 2008),nécessitant ainsi des techniques de diagnostiques plus sensibles. La culture invitro est rapportée comme étant plus sensible dans la détection de Blastocystis spp. que l’examen
microscopique direct dans plusieurs études (DOGRUMAN-Al et al. 2009a ; SANTOS ET
RIVERA, 2013 ; DAGCI et al. 2014 ; COSKUN et al. 2016). Les approches de la biologie
moléculaire utilisant la PCR (Polymerase Chain Reaction) a révélé une sensibilité et une
spécificité plus élevé que celle de la microscopie optique et à la culture in vitro (SANTOS et RIVERA, 2013 ; DAGCI et al. 2014 ; RIABI et al. 2018). A l’heure actuelle, 17 sous‐types ont été clairement définis sur la base d’une séquence partielle de l’ARNr 18S (ALFELLANI et al. 2013a) dont neuf d’entre eux (ST1-ST9) sont capables d’infecter l’homme (STENSVOLD et al. 2007a). Le ST3 est le plus prédominant dans les études
épidémiologiques, en particulier dans les pays africain (HUSSEIN et al. 2008; ALFELLANI
et al. 2013a; EL SAFADI et al. 2014; BEN ABDA et al. 2017). D’ailleurs, la dernière
décennie a vu un intérêt croissant porté à ce protozoaire qui s’est traduit par l’augmentation significative du nombre annuel de publications sur ce parasite, la création de la Blastocystis Research Foundation (BRF) aux Etats-Unis http://www.bhomcenter.org/) et l’ajout en 2006 par l’OMS de Blastocystis spp. sur la liste des parasites à rechercher dans le cadre d’une
vérification de la qualité de l’eau de boisson (WHO, 2008). Jusqu’à dernièrement, le pouvoir
pathogène de Blastocystis spp. est controversé du fait d’un portage asymptomatique très
fréquent. De plus sa grande diversité génétique a probablement contribué à sous‐estimer son importance clinique. Des études récentes suggèrent une pathogénie variable selon les sous‐types (TAN et al. 2010), néanmoins l’accumulation récente de données génomiques et épidémiologiques couplées à celles d’études in vivo et in vitro et de cas cliniques montrent
que l’infection par Blastocystis spp. peut être associée à une variété des troubles gastrointestinaux, et pouvant jouer un rôle dans le syndrome du Côlon Irritable (IBS) et dans les maladies inflammatoire de l’intestin (Inflammatory Bowel Disease) (YAKOOB et al. 2004; DOGRUMAN‐AL et al. 2009b ; JONES et al. 2009 ; YAKOOB et al. 2010a ; YAKOOB et al. 2010b), ainsi que dans les manifestations cutanées comme l’urticaire (VOGELBERG et al. 2010 ; HAMEED et HASSANIN, 2011). Tandis que les populations immunodéprimées sont les plus susceptibles à l’infection par Blastocystis spp. en faisant un parasite opportuniste de premier plan (WAWRZYNIAK, 2012).